Le Léman face aux défis du changement climatique et aux pressions environnementales : résultats du Rapport scientifique 2024 de la CIPEL

La Commission Internationale pour la Protection des Eaux du Léman (CIPEL) publie son rapport scientifique annuel, basé sur les données 2023, mettant en évidence des défis croissants pour la préservation de l’écosystème du lac.

Des températures records, des brassages incomplets et des eaux profondes appauvries en oxygène

Les températures de surface ont atteint des niveaux sans précédent, avec une moyenne annuelle de 13.6 °C, soit 1.3 °C au-dessus de la moyenne des 30 dernières années. Les eaux profondes affichent une tendance similaire, avec une augmentation de 1.1 °C en 11 ans, soit une température inédite de 6.2 °C. Ces évolutions confirment l’impact direct du changement climatique sur le Léman.

En 2023, pour la onzième année consécutive, le brassage hivernal du Léman, essentiel pour alimenter les zones profondes en oxygène et redistribuer les nutriments dans la colonne d’eau, est resté incomplet, atteignant seulement 130 m de profondeur. Cette situation, exacerbée par des températures hivernales élevées, a conduit à des niveaux d’oxygène inquiétants dans les zones profondes du lac (2.0 mg/L en moyenne annuelle, bien en dessous du seuil de qualité de 4 mg/L fixé par l’Ordonnance sur la protection des eaux suisses).

Stabilisation de la concentration du phosphore et biodiversité fragilisée face à un Léman en changement

La concentration moyenne annuelle de phosphore se stabilise autour de 16.9 µg/L. La composition spécifique du phytoplancton indique une amélioration de la qualité de l’eau, ce qui reflète une tendance positive.

Cependant, les dynamiques biologiques du lac continuent de révéler les effets du réchauffement climatique et des pressions environnementales. Le phytoplancton a connu un pic précoce, tandis que les populations de zooplancton, essentielles à la chaîne alimentaire, poursuivent leur déclin, notamment chez les cladocères herbivores.

Depuis son arrivée dans le Léman en 2015, la moule quagga a modifié la dynamique des larves de mollusques. Contrairement aux moules zébrées déjà implantées, elle a introduit un cycle de reproduction plus précoce, débutant dès janvier et observé pour la première fois en 2016. Toutefois, en 2023, ce comportement semble s’être atténué, les larves n’étant visibles qu’au cours de l’été. Des relevés récents ont également révélé que la moule quagga peut coloniser des profondeurs allant jusqu’à 250 mètres, avec une concentration maximale entre 10 et 50 mètres, là où les conditions de température et d’oxygène sont les plus favorables.

Du côté des poissons, les cycles de reproduction du corégone et de la perche présentent des variations saisonnières directement liées aux températures élevées de l’eau. Ces phénomènes soulignent la vulnérabilité croissante de l’écosystème du Léman face au changement climatique.

Micropolluants et microplastiques : une vigilance nécessaire

La campagne de suivi menée en 2023 confirme une tendance générale à la baisse des concentrations de micropolluants, grâce à des efforts combinés dans les secteurs agricoles et de traitement des eaux usées (domestiques et industrielles). Cependant, des résidus médicamenteux comme l’ibuprofène restent détectés dans certaines zones littorales. Une étude sur la pollution plastique révèle également des concentrations élevées, avec en moyenne 7’600 particules de microplastiques par mètre carré de plage, principalement des fibres synthétiques. Des bonnes pratiques ont été adressées aux communes du bassin versant lémanique, afin de prévenir cette pollution à la source.

Des connaissances renforcées pour mieux agir

Trois études spécifiques viennent enrichir ce rapport, explorant notamment le rôle du phosphore, les effets écotoxicologiques des eaux du Léman, et comme mentionné, l’impact de la pollution plastique. Ces travaux contribuent à orienter les mesures pour préserver cet écosystème unique.

Face au changement climatique, le Léman constitue une ressource stratégique essentielle. Ce rapport confirme la nécessité d’une action concertée pour garantir la qualité de ses eaux et la résilience de son écosystème. Ce rapport est une base scientifique précieuse pour guider les autorités, les chercheurs et les acteurs locaux dans leurs efforts de protection.